mercredi 12 mars 2008

Exposé littérature et peinture


Zola, La Fortune des Rougon (1871)
Après la mort de son amie Miette, Silvère est emmené à l’écart pour être exécuté.
L’aire s’étendait, désolée, sous le ciel jaune. La clarté des nuages cuivrés traînait en reflets louches. Jamais le champ nu, le chantier où les poutres dormaient, comme roidies par le froid, n’avait eu les mélancolies d’un crépuscule si lent, si navré. Au bord de la route, les prisonniers, les soldats, la foule disparaissaient dans le noir des arbres. Seuls le terrain, les madriers, les tas de planches pâlissaient dans les clartés mourantes, avec des teintes limoneuses, un aspect vague de torrent desséché. Les tréteaux des scieurs de long, profilant dans un coin leur charpente maigre, ébauchaient des angles de potence, des montants de guillotine. Et il n’y avait de vivant que trois bohémiens montrant leurs têtes effarées à la porte de leur voiture, un vieux et une vieille, et une grande fille aux cheveux crépus, dont les yeux luisaient comme des yeux de loups.
La pensée que, seul des vauriens du faubourg, il verrait le drame à l’aise, comme du haut d’un balcon, lui donnait une telle hâte, qu’il tomba à deux reprises. Malgré sa course folle, il arriva trop tard pour le premier coup de pistolet. Désespéré, il grimpa sur le mûrier. En voyant que Silvère restait, il eut un sourire. Les soldats lui avaient appris la mort de sa cousine, l’assassinat du charron achevait de le mettre en joie. Il attendit le coup de feu avec cette volupté qu’il prenait à la souffrance des autres, mais décuplée par l’horreur de la scène, mêlée d’une épouvante exquise.





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